L’émission de France2 intitulée À vos pinceaux avait ceci d’original qu’elle mettait en scène des peintres amateurs. Elle n’a pas eu le succès escompté et a été prématurément déprogrammée au bout de deux prime times sur les quatre prévus initialement. Paradoxalement, cet échec est passionnant. Cette téléréalité a valeur de comédie pour nous faire comprendre le monde de l’art actuel.
L’ idée, comme dans Le Meilleur Pâtissier ou The Voice, était de conjuguer une exigence technique raisonnable et beaucoup de bonne humeur. Le revers d’À vos pinceaux est peut-être en partie imputable au fait que la peinture, activité souvent lente et ingrate, serait peu télégénique. Cependant, l’échec semble surtout tenir à la tension perceptible entre deux approches de l’art, l’une populaire et figurative, l’autre clivante et prétendument élitiste.
La présentatrice, Marianne James, et le premier juge animateur, Bruno Vannacci, correspondent parfaitement à la dynamique attendue de l’émission. La production s’est crue obligée d’appeler comme second juge une personnalité de référence. Le choix s’est porté sur Fabrice Bousteau. Ce thuriféraire de l’art contemporain est notamment responsable de Beaux Arts Magazine. À l’instar de Louis XI, on le reconnaît aisément au fait qu’il ne quitte jamais un petit chapeau caractéristique.
Dès le premier épisode, après des encouragements mesurés, les méchancetés de Bousteau pleuvent: «Tu t’es complètement planté et ça manque de créativité», «Il y a des choses qui sont ridicules, on a l’impression que tu es à l’école maternelle!», «Je trouve que l’idée est un peu basique et que la réalisation tient du navet!», etc.
Les candidats ont un désir sincère et touchant de brosser des œuvres belles, ressemblantes et créatives. Bousteau voudrait upgrader ces «peintres du dimanche». Il s’efforce de les éloigner de la figuration plus ou moins naturaliste à laquelle ils aspirent spontanément. Il leur fait des leçons de Marcel Duchamp. L’ambiance est plombée.
Il faut comprendre que la position de Bousteau est très différente de celle des coachs pâtissiers. En effet, il y a une parfaite continuité dans un gradient d’excellence depuis le simple amateur faisant une tarte aux prunes jusqu’au chef étoilé. En art contemporain, il en est tout autrement. Ce microcosme se perçoit comme une sorte d’avant-garde et a tendance à tirer sa légitimité de la dénégation du goût et de la sensibilité des gens ordinaires. Là où il y a progressivité avec la cuisine, il y a souvent coupure et mépris en art contemporain.
Avec la finale, tout se bonifie pourtant. Les protagonistes se comprennent mieux. Les clivages idéologiques s’effacent au profit d’une agréable empathie. L’émission trouve son équilibre. On est heureux. Malheureusement, c’est trop tard.
Article paru dans Causeur, Janvier 2017






