À 21 ans son avenir était délicieusement flou.

À 21 ans son avenir était délicieusement flou.

At 21 her future was deliciously blurry.

acrylique, huile et matériaux

acrylic, oil and materials

80 X 80 cm

Détails

Leurs vies auraient pu être différentes
Pour quelqu’un comme moi, il n’est pas facile de choisir un nouvel ordinateur. On se pose des tas de questions techniques et tout particulièrement celle de la taille mémoire. « Ça dépend de ce que l’on veut en faire », dirait à juste titre un vendeur, mais qui sait vraiment ce qu’il va en faire ? Bref, il faut admettre que la mémoire d’un ordinateur n’est jamais bien dimensionnée. En ce qui concerne le cerveau humain, c’est pire. Si l’on met de côté quelques cas comiques de sous-dimensionnement, dans la plupart des cas on observe une hallucinante quantité d’octets excédentaires. Or le trop est l’ennemi du bien. Voilà le problème ! Dans la vie ordinaire, une partie de notre capacité mentale sert à analyser les situations et piloter nos actions. C’est ce que j’appellerais la partie utile, la partie cybernétique. Cette partie est cependant loin d’épuiser toutes nos capacités disponibles. Le reste tourne à vide en permanence. Ce reliquat est livré à lui-même. Il s’autonomise, s’évade, imagine, étudie, spécule, rumine, échafaude, part en vrille, broie du noir, déprime, déraille, etc. C’est la grandeur de l’homme si on veut, mais ce sont aussi sa déraison et sa souffrance. Cela fait longtemps que j’observe les gens autour de moi. C’est une habitude. Je ne peux pas dire que je m’intéresse vraiment à eux et encore moins que je les aime, mais je les observe. Je fais ça presque machinalement. Il se trouve que j’ai connu des gens jeunes et que je ne les ai pas oubliés. Je les ai parfois revus cinq années plus tard et ils étaient un peu différents, et encore dix ans, vingt ans plus tard, et ainsi de suite. Je ne peux m’empêcher de rapprocher ces diverses étapes de leurs vies. Cela me fait un effet bizarre. Ils ont employé leurs sortes d’octets excédentaires de mille et une façons imprévisibles et souvent peu convaincantes. Il faut les occuper, ces petites entités remuantes. Là est le souci  ! La plupart du temps, on ne peut pas vraiment parler d’utilisation de ces octets, mais plutôt de gâchis pur et simple. C’est d’ailleurs en grande partie la situation dans laquelle je suis. Cependant, dans un petit nombre de cas – et cela m’émeut beaucoup – des sortes de vocations se sont développées dans les interstices. Il est intéressant de songer à toutes ces trajectoires, quelles qu’elles soient. Pourtant, le sentiment un peu troublant qui s’en dégage ‑ à mes yeux tout du moins – est que toutes ces vies auraient pu être différentes. J’ai eu envie de commencer une série de peintures sur ce thème. On s’occupe comme on peut.


Their lives could have been different

It isn’t easy for someone like me to choose a new computer. One asks oneself a load of technical questions and especially that of memory size. A seller would say quite rightly ‘It depends what you want to do’, but who really knows what he wants to do with it? In short, you have to accept that computer memory is never the right size. And the situation is worse in the human brain. If you set aside a few comical cases of under-sizing, most cases display hallucinatory amounts of excess bytes. Now, too much is the enemy of good. That is the problem! In ordinary life, part of our mental capacity is used in analysing situations and guiding our actions. This is what I would call the useful cybernetic segment. But this part is far from exhausting all our available capacity. The rest runs all alone all the time. It is left to itself, becomes autonomous, escapes, imagines, studies, speculates, ruminates, fabricates, goes into a spin, mopes, becomes depressed, derails, etc. If you want, this is man’s greatness but also his insanity and suffering. I have observed the people around me for a long time. It’s a habit. I cannot say that I am truly interested in them—and even less that I like them—but I watch them. I do it almost automatically. I have indeed known some of them when they were young and have not forgotten them. I occasionally saw them five years later and they were a bit different, and then ten or twenty years later and so on and so forth. I can’t help comparing these different stages of their lives. This has a strange effect on me. They have used their kinds of extra bytes in a thousand and one unexpected and often fairly unconvincing ways. These wriggly little things must be given something to do. That’s the problem! Most of the time you can’t really discuss the use of these bytes but talk in terms of pure and simple waste. This forms a large part of my situation. But in a small number of cases—and this touches me greatly—kinds of vocations have developed in the interstices. It is interesting to think of all these pathways, whatever they are. But the slightly disturbing feeling that emerge, for me at least, is that all these lives could have been different. I felt like starting a series of paintings on this subject. You do what you can.