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Pierre Lamalattie

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Térébenthine : les Beaux-Arts contre l’art

Carole Fives, Gallimard – 2020 – 173 pages – 16,50 €

Carole Fives (née en 1971) connaît bien les écoles d’art. Elle y a fait ses études, puis exercé comme enseignante. Son roman Térébenthine est, comme toujours chez cette auteure, particulièrement brillant sur le plan littéraire. Il est concis, drôle et tragique. Il a aussi valeur de témoignage.

Quelques jeunes souhaitent devenir peintres figuratifs. Ils entrent aux Beaux-Arts de Lille. Une banderole les accueille par ces mots : « peinture et ripolin interdits ». On pourrait traduire par : « Ici, on ne peint pas, on pense. » La raison de cet oukase serait que : « tout l’art du monde n’a pas réussi à éviter la guerre, les massacres, la Shoah ». Les étages de l’école sont réservés à des activités jugées valables. Nos quatre ringards doivent se trouver un espace libre dans des sous-sols mal aérés. Quand ils remontent à la surface, ils puent l’essence. On les surnomme « les Térébenthines ». Ces élèves sont en butte à une permanente incompréhension. On leur réclame « du discours, de l’écrit, du sens. Du concept ». La figure dominante de l’établissement est le professeur d’histoire de l’art. Il est une sorte de théologien ou de commissaire politique. L’« histoire » dont il est question n’a rien de neutre et de diversifié. C’est un récit commençant en gros à Marcel Duchamp et ne retenant que ce qui est utile au bourrage de crâne. Les étudiants entrevoient, non sans amertume, que cette histoire « peut se résumer à cette seule tentative : tuer la peinture ».

Térébenthine raconte le massacre de la bonne volonté de ces jeunes en butte à des enseignants parfois borderline, puis à des galeries totalement étrangères à leur sensibilité. Leur avenir passe par la case petits boulots. Décapant !

Article paru dans Artension, Janvier 2021