Pierre Lamalattie

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Pierre Lamalattie

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Olivier Larivière

La peinture figurative pour exprimer l’existence

Olivier Larivière est un artiste figuratif de 43 ans particulièrement doué et prometteur. Son parcours jusqu’à aujourd’hui est simple : il naît à Saint-Germain-en-Laye ; il étudie, il voyage et, à présent, il vit et travaille à Montreuil. Le point clé est qu’il commence à dessiner très petit, encouragé par sa mère. Il prend l’habitude irrévocable de la figuration avant d’être mis au contact avec l’art contemporain qui pourrait l’en détourner. Rencontre. 

Olivier Larivière ©Artension

Né en 1978, Olivier Larivière bénéficie d’une formation éclectique : après un début aux Beaux-Arts de Rouen, il intègre ceux de Paris dans l’atelier de Pat Andrea. Il passe ensuite une année à New York, puis une autre à la Casa de Velásquez, à Madrid. Durant ses études, il s’intéresse particulièrement à l’illustration et à la photo. Ces pas de côté enrichissent son regard sur la peinture et tout particulièrement sur sa capacité à évoquer le monde et la vie des hommes. 

Olivier Larivère est marqué par certains artistes du XXe siècle, comme ceux de l’Ash Can School, ou encore, plus près de nous, Lucian Freud et Marlene Dumas. Il aime les peintres qui ont le coup de pinceau puissant comme Eric Fischl ou Frans Hals. 

Picturalité 

Olivier Larivière consacre beaucoup d’attention aux matières et à la picturalité de ses œuvres. Sa facture est très personnelle : haute en pâte, elle est gestuelle et râpeuse. Parfois, un tracé en bâtonnets accentue la rudesse du toucher. Il pratique une sorte d’expressionnisme retenu qui donne de la tension et même une violence sourde à sa manière. Il alterne grandes compositions théâtrales et gros plans voyeuristes. L’immensité de certains fonds vides contraste avec des cadrages serrés sur des vues bien remplies. Souvent, ses ambiances sont nocturnes et ses éclairages frontaux, de type flash. Enfin, il aime présenter ses toiles en « écosystèmes » pour créer une atmosphère, une circulation du regard, le sentiment qu’on entre dans un univers. 

Hic & Nunc, 2015-2017, huile sur toile

Mélancolie 

On sent qu’Olivier Larivière est taraudé par une recherche de sens. L’aspect prosaïque de ses personnages et de leurs occupations est teinté d’une vague hébétude, d’une attente, d’un spleen. Il fait sentir le contraste entre la profusion matérielle de notre temps et sa vacuité spirituelle. L’esprit des hommes est très souvent en surplus par rapport à ce qui serait nécessaire pour faire face aux situations ordinaires. Toute la condition humaine est dans ce surplus. Il y a toujours une partie de nous-même qui est inoccupée, qui s’ennuie, qui est prête à se mettre à tourner en rond dans la mélancolie. Larivière a le chic pour faire comprendre cette configuration caractéristique de l’existence humaine.

Hic & Nunc, 2015 2017, Huile Sur Toile

Incommunicabilité 

Dans la géométrie plane, deux droites quelconques sont séquentes sauf si, par exception, elles sont parallèles. Dans l’espace à trois dimensions qui est le nôtre, c’est très différent : les droites ont beau pointer dans toutes les directions, elles n’ont aucune chance de se croiser, sauf cas rare d’appartenance à un même plan. Les personnages de Larivière pointent leur attention dans diverses directions, mais leurs regards ne se croisent pas. Chacun est seul. Ce n’est pas qu’ils y mettent de la mauvaise volonté, c’est qu’il s’agit d’une donnée presque géométrique, c’est dans la nature des choses. Le modèle par défaut des relations humaines est l’incommunicabilité. Cet artiste l’a bien compris et il le fait sentir clairement. Il a un talent particulier à montrer dans un même lieu des personnages issus d’univers différents et n’ayant aucune chance de se rencontrer. 

Nothing is Forever, 2012-2015, huile sur toile

Narrativité 

Comme nombre de jeunes artistes, Olivier Larivière fait partie d’une génération qui redécouvre la notion de sujet et la dimension narrative des images. Quel sens faut-il d’ailleurs donner à ce mot de « narratif » qu’on emploie de plus en plus ? Il dérive du latin « nosco » prendre connaissance, connaître. Une peinture narrative fait connaître quelque chose qui s’est passé, une bribe plus ou moins significative de l’existence. De même, quand on amène quelqu’un devant le juge, on dit qu’on le cite. Quand un peintre ou un auteur fait revivre un ou plusieurs personnages pour ses lecteurs ou regardeurs, il y a récit. Jusque-là, rien n’implique que la narration ou le récit soient des suites de scènes à la queue-leu-leu. 

Évidemment, un roman, un film, une histoire ont tendance à être séquentiels compte tenu de la linéarité des moyens d’expression concernés : on déroule une bobine, on tourne les pages, etc. Cependant, la narrativité de la peinture est d’une autre nature. Elle se prête mal à une organisation séquentielle. Sa force consiste à entrer dans une sorte de mystère de l’instant. 

En prenant des photos trouvées sur Internet dans un contexte qui lui échappe, Olivier Larivière présente des instants de vie dont on ne connaît ni l’avant ni l’après. Ce sont des situations assez troublantes dans lesquelles on accède aux briques élémentaires de l’existence sans rien savoir des chronologies auxquelles elles contribuent. 

Site : www.olivierlariviere.com 

Article paru dans Artension 168, juillet 2021