Mister Bean de l’art écologique ?
S’il fallait associer une couleur à Fabrice Hyber, ce serait assurément le vert. Vert comme son fameux Homme de Bessines (Deux-Sèvres), sorte de petit extraterrestre doté de jets d’eau, cloné dans la commune concernée, puis dans le monde entier. Vert comme l’habit qu’il endossait lors de sa récente entrée à l’Académie des beaux-arts. L’adjectif « vert », pris au sens figuré, pourrait aussi qualifier la vigueur vibrionnante de cet artiste-entrepreneur qui sait organiser toutes sortes de choses et nouer mille et un partenariats. Cependant, à tort ou à raison, Fabrice Hyber ne se prend guère au sérieux. Il arbore en permanence une bonne humeur loufoque et un air à la Mister Bean.

« Acheter des paysages »
Fabrice Hyber a reçu une formation en mathématiques et physique, mais il s’intéresse aussi à l’écologie, et plus spécialement aux arbres. Son intervention la plus remarquée est le fait de semer des forêts dans la vallée vendéenne où ses parents étaient agriculteurs. Il commence par « acheter des paysages ». Cette expression peut évidemment choquer, car si les parcelles ont des propriétaires, le paysage est généralement plutôt considéré comme un bien commun. Une fois les terres acquises, il y disperse des graines. Traditionnellement, la sylviculture s’appuie sur des plantations préparées en pépinière. Le semis direct de graines variées ne vise guère la rentabilité économique. C’est plutôt une expérience pariant sur le fait que dans le méli-mélo de plantes en croissance, la sélection naturelle distinguera les essences les mieux adaptées aux variations climatiques attendues. Quelques expériences de ce genre ont lieu ici et là, comme la mini-forêt de type Miyawaki, implantée récemment en périphérie de Paris. L’intervention de Fabrice Hyber en Vendée, à la fois inédite au plan artistique et paraissant aller dans le sens des préoccupations de notre époque, lui vaut un réel succès. À cela, il ajoute localement diverses activités et animations comme il sait les faire.

Bonne intention ou bonne idée ?
Cependant, est-ce vraiment une bonne idée de prêcher l’accroissement de la forêt en France ? Certes, un grand nombre de personnes, notamment les urbains, croient de bonne foi que la forêt est menacée dans notre pays. Elle l’est effectivement à l’étranger, dans beaucoup de pays. Mais en France, c’est elle qui est menaçante ou, du moins, envahissante. Elle n’arrête pas de s’étendre depuis des décennies et couvre à présent un tiers du territoire. Dans certaines régions, comme dans les Landes ou dans l’Est, il s’agit d’une forêt productive ancienne. Cependant, l’essentiel de l’augmentation est enregistré dans une diagonale allant de la Bretagne à la Corse, englobant le Massif central et une bonne part des Alpes et des Pyrénées. Nombre de ces régions, peu boisées au départ, ont connu une forte déprise agricole faisant le lit d’une forêt souvent spontanée. Il ne s’agit nullement de la végétation naturelle parvenue à son point d’équilibre (nommée climax en écologie), mais d’une formation secondaire dégradée. On y trouve principalement des feuillus, typiquement des entrelacs médiocres de chênes tordus. Ce sont eux principalement qui tapissent un peu partout le paysage de ces grumeaux verts à présent si communs.
La vie rurale asphyxiée
Au plan économique, cette forêt invasive a un rapport faible, voire nul. L’intérêt touristique est également souvent décevant. En effet, la plupart des promeneurs, aussi regrettable que cela paraisse, s’éloignent peu des routes. L’intérieur des massifs reste, en réalité, peu fréquenté. En progressant, la forêt fige le recul de l’agriculture et de l’élevage. Dans certaines régions, les hameaux abritent surtout des personnes âgées de plus en plus isolées et cernées par les bois. Bref, l’extension de la forêt va de pair avec une régression de la vie rurale, tout du moins dans ses formes traditionnelles. Une consolation réside cependant dans le fait que l’accumulation de ces tonnes de bois est un piège à CO2 très significatif à l’échelle de la France.
On aurait pu attendre de Fabrice Hyber, fils d’un petit agriculteur, éleveur de moutons, qu’il ait plus de compassion pour le monde paysan, et notamment qu’il comprenne cette chose simple : la croissance forestière diminue la surface agricole. En développant sa forêt, il supprime, sans même s’en rendre compte, la possibilité d’existence d’une ou plusieurs exploitations familiales telles que celle qui lui a permis de grandir. Parfois, l’art a ses raisons que la raison ignore !






