Après le culte, la culture ?
La baisse du nombre des catholiques pratiquants a pour résultat des églises peu fréquentées, voire carrément vides. Que faire de ce patrimoine surdimensionné et parfois désaffecté ? C’est une question qui se pose et qui va se poser de plus en plus, en particulier pour des municipalités confrontées à des charges d’entretien parfois considérables. La hiérarchie ecclésiastique post Vatican II n’est pas toujours très demandeuse du maintien de ces décors peu en rapport avec la nouvelle liturgie minimaliste. Ce sont les populations, croyantes ou pas, qui manifestent le plus d’attachement artistique et sentimental aux églises. Dans ces conditions, un changement d’usage peut être la solution pour sauver un bâtiment, mais c’est aussi souvent un sujet sensible.
Il y a d’abord des solutions qui alimentent peu ou prou les controverses. Une possibilité (barbare) est tout simplement la destruction. C’est ce qui s’est produit, par exemple, à Abbeville avec la belle église néogothique Saint-Jacques dont l’entretien était jugé trop coûteux. Plus surprenant, l’élégante église néo-byzantine Saint-Joseph, à Lille, a été récemment abattue à l’initiative de l’université catholique, laquelle souhaitait construire quelque chose de plus utile à la place. À chaque fois, les monuments les plus vulnérables sont évidemment ceux du XIXe, toujours mal considérés et mal protégés par le ministère de la Culture. Une autre solution consiste parfois à transférer ces lieux de culte à une religion qui en manque. Ça s’est fait, tout particulièrement avec des églises anglicanes en Grande-Bretagne. Cependant, ce transfert est souvent jugé trop contraire à la vocation originelle des bâtiments. Dans certains cas, un usage commercial est décidé. C’est le cas de la chapelle des Filles de la sagesse (xixe) à Nantes, transformée en hôtel (Sozo) quatre étoiles relooké super design. De même, à Rouen, une brasserie s’installe dans l’église Saint-Nicaise (xive siècle et art déco).

Les conversions les plus réussies et les mieux acceptées sont sans doute celles qui jouent de la proximité entre culte et culture. Des églises sont ainsi transformées en bibliothèques, comme l’ancien oratorio dei Nobili à Gallipoli (Pouilles) ou l’abbaye d’Ardenne à Saint-Germain-La-Blanche-Herbe (Calvados). D’autres deviennent des salles de concert ou des théâtres comme l’église San Filipo Neri à L’Aquila (Abruzzes) ou l’église Saint-Jean à Dijon. L’église Santa Teresa de Milan est à présent une médiathèque. Certaines églises deviennent sièges de conseil et amphithéâtres, comme à l’université de Bologne ou encore pour le conseil municipal d’Ugento (Pouilles) installé dans l’église Santa Filomena.
Évidemment, beaucoup de bâtiments initialement religieux sont des lieux d’expositions. Pour l’art d’autrefois, cet usage paraît presque naturel. Citons par exemple le musée des Augustins à Toulouse. Pour l’art actuel, d’anciennes églises, chapelles ou abbayes accueillent aussi des expositions. C’est le cas des chapelles Saint-Libéral à Brive et Saint-Louis à Bar-le-Duc, des abbayes d’Auberive et de Thoronet, etc. Ces lieux offrent aux artistes des cadres d’exposition d’une grande beauté. Ils présentent aussi probablement un autre avantage très précieux : relevant de propriétaires et de gestionnaires variés, ils apportent un peu de diversité dans un univers dominé par les satellites du ministère de la Culture, tels que Frac et centres d’art.
Article paru dans Artension 169, septembre 2021