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Pierre Lamalattie

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Léon Frédéric, une imagination extrêmement réaliste

Les musées de province sont souvent plus audacieux que certaines grosses institutions parisiennes à explorer l’histoire de l’art. C’est le cas de celui d’Ornans, dans le Doubs, qui présente une superbe rétrospective Léon Frédéric (1856-1940).  

Fils d’un orfèvre aisé, Léon Frédéric vit au domicile familial jusqu’à l’âge de 40 ans. Pendant de nombreuses années, il vend rarement, mais peint comme si de rien n’était. Il se passionne pour certaines œuvres de Jules Bastien-Lepage. C’est en les observant qu’il comprend l’intérêt de témoigner de la vie des gens de son temps, autrement dit, d’être un naturaliste.

En 1883, il présente au salon de Bruxelles le triptyque Les Marchands de craie. Il s’agit de sortes de SDF itinérants qui ramassent, cassent et vendent des morceaux de calcaire. C’est un triomphe. Jusqu’à la fin de sa vie, Léon Frédéric peindra avec ardeur les pauvres de son temps. Sa sensibilité, proche du socialisme, relève du catholicisme social. Sa facture faite de coups de pinceau incisifs et d’empâtements vibrants est somptueuse. Il impressionne aussi par la quantité de travail qu’il abat, d’autant plus que l’abondance de détails de chaque peinture donne le vertige. Il est considéré par ses contemporains comme l’artiste belge le plus important et est invité par toutes les sécessions d’Europe.

Il finit par se retirer dans un village de l’Ardenne profonde, Nafraiture. Dans cette thébaïde, il se passionne pour un univers rural ayant presque échappé au temps et dans lequel il perçoit une sorte de simplicité biblique. Quand il meurt, en 1940, on a l’impression que disparaît un grand peintre du XIXe égaré en plein XXe siècle.

L’exposition présentée à Ornans est un rare plaisir pour lequel il faut saluer le travail courageux de son commissaire, Benjamin Foudral, jeune et prometteur historien de l’art.

Léon Frédéric, Les Âges de l’ouvrier, triptyque, huile sur toile, Musée d’Orsay

Article paru dans Artension, Septembre-Octobre 2018